Premier sou Je l’introduis avec pudeur et respect, respect de la mécanique et non de l’objet prisonnier de cette mécanique

Ses membres tremblants commencent à prendre vie Les bras les jambes sa tête et enfin ses grands yeux suppliants qui me fixent Je regarde alors le spectacle qui s’offre à moi

Ce vulgaire bout de bois manipulé par ces grossières ficelles interprète…une danse… aussi dépourvue de sens que son existence Succession de mouvements saccadés désarticulés éphémère instant de vie qui à peine commencé s’éteint

Le pantin retombe brusquement dans son inertie
Les ficelles relâchent cette boule mal fichue qui lui sert de tête et avec ses yeux de nouveau fixés vers le bas mon pantin est plus misérable que jamais
J’estime ne pas en avoir eu assez pour mon argent et mon ego a pris plaisir à la manipulation

Deuxième sou
Ce pantin me doit respect et reconnaissance pour l’avoir amené à la vie
Ce second sou lui rappellera l’ampleur de mon pouvoir

Une jouissance malsaine une douce ivresse me monte à la tête alors que la sienne peine à rester haute malgré l’intervention des ficelles
C’est le regard à terre qu’il finira sa danse ce qui n’est pas sans me déplaire

Misérable bout de bois que je fais mien une fois de plus avec un troisième sou introduit cette fois sans fausse pudeur dans la fente béante qui sans vergogne ni état d’âme l’englouti et se confirme complice de mes actes

Le pantin devient ma putain et j’en viens à regretter que cette énergumène ne soit faite de chair et de sang

Que ne ferait-il pour s’attirer mes bonnes aumônes ?

Mes sous tireront les ficelles de son insignifiante existence
Et je la nourrirais du pain de la corruption

Et je l’enivrerais du vin de la cupidité

Mon pantin s’il était fait de chair et de sang creuserait les mines d’or et de diamants à main nues jusqu’à ce qu’elles pissent le sang et genoux à terre m’offrirait le fruit de sa douce labeur

Il serait mon esclave ma chose ma poupée de chiffon
Je serait tout
Il ne sera rien